Dimanche 29 novembre
Texte: Edmond
Photos: Martine
Avant de prendre l’avion de l’après-midi pour Santiago, visite au cimetière de Punta Arenas, sous un soleil glacial traversé de quelques brèves giboulées de neige. Le cimetière est l’endroit où s’est le plus exercé l’effort d’urbanisation et d’urbanité tout court, tant il est vrai qu’on est plus attentif ici aux morts qu’aux vivants.
On a donc planté et taillé en fuseaux plus de 800 cyprès qui bordent les principales allées. Toutes les grandes familles ont édifié un mausolée, toutes les sociétés de secours mutuel qui s’étaient fondées par nationalité vers 1870 – 1890 ont bâti un monument (où sont inhumés quelques personnes, dirigeants ou nécessiteux, on ne sait pas), toutes les institutions qui comptent (marine, armée) ont aussi le leur.
Mausolée de marbre de la famille Menendez-Montes, en forme de temple grec
Une des allées caractéristiques.
La tombe de José Menendez. Lui et sa femme Sara Braun firent tombe à part…
Tout autour du mausolée José Menendez les principales sociétés qu’il contrôlait ont fait apposer des plaques pour immortaliser leur profonde et bien obligatoire affliction lors de son décès, survenu le 24 avril 1918.
Assez loin de son mari, Sara Braun est logée dans un vaste espace de parc où s’élève un mausolée orthodoxe (sa famille était russe).
Tombeau de la société française de secours mutuel.
Les tombes plus modestes sont souvent plus intéressantes et à leur manière plus spectaculaires que celles des notables. Profusion de fleurs, de portraits en médaillon, d’offrandes diverses qui tiennent compagnie au défunt par delà la mort et que l’on conserve dans des petites niches vitrées et même ornées de petits rideaux, telle celle de la famille Alvaradejo Diaz ci-dessous.
L’endroit le plus couru du cimetière est le monument à l’Indien inconnu. On s’interroge sur le degré d’hypocrisie ou de repentance sincère qui a conduit à consacrer une statue et une stèle à la mémoire des indigènes préalablement massacrés. Peu à peu un culte populaire s’est établi et « l’indiecito », le petit indien, se voit attribuer des interventions et des miracles. On le prie comme un saint, on le remercie par des ex-votos, des fleurs, des ornements divers qui lui donnent une allure un peu hippie.
Conclusion démographique à l’issue d’une visite assez approfondie : la majorité des habitants porte des patronymes espagnols (qui peuvent cacher d’autres origines), devant les croates, les britanniques, les italiens, quelques allemands et français.
Comme nous a si bien dit un petit vendeur de fruits ambulant à qui nous avons acheté des cerises, « ici, on a tout les temps : dans la même journée, on peut avoir du soleil, de la pluie et de la neige. Mais on est bien plus tranquille qu’à Santiago, on a peu de délinquants ».
Et comme pour conclure ce discours, tandis que nous quittons Punta Arenas, une grosse averse de neige s’abat sur l’aéroport.