Mardi 1er décembre
Texte: Martine
Photos: Martine
Notre voyage tire à sa fin, demain, nous reprenons l’avion pour Hyères, via Paris et seront chez nous le 3, un peu plus vieux de quatre heures et de retour à l’automne.
A Santiago, nous avons appris à nous servir des bus. Il ne faut pas avoir trop peur de les prendre. Comme d’habitude, les indications sont réduites à leur plus simple expression et la vitesse de ces engins est telle qu’on a intérêt à bien s’accrocher à chaque station si on ne veut pas être jeté par terre. On s’est promené dans le centre, très animé, avec ces petits marchands ambulants, ces cireurs de chaussures et malheureusement aussi ces pic-Pocket et autres voleurs à la tire.
Place d’Armes
Quelques parcs ont attirés nos pas comme cette longue promenade le long du Mapocho : le Parque Forestal ou de nombreux étudiants, couchés dans l’herbe « révisaient » leurs cours avant les examens de fin d’année
ou le Cerro Santa Lucia, colline du centre ville qui attire les amoureux dans tous les recoins. A l’entrée de ce parc, réputé assez dangereux, il faut montrer patte blanche et décliner son identité (n’importe laquelle d’ailleurs).
Du haut de ce parc, on domine un peu la ville et son immensité.
Qui cache parfois quelques maisons au style indéfinissable, propre à cette partie du monde.
Dimanche 29 novembre
Texte: Edmond
Photos: Martine
Avant de prendre l’avion de l’après-midi pour Santiago, visite au cimetière de Punta Arenas, sous un soleil glacial traversé de quelques brèves giboulées de neige. Le cimetière est l’endroit où s’est le plus exercé l’effort d’urbanisation et d’urbanité tout court, tant il est vrai qu’on est plus attentif ici aux morts qu’aux vivants.
On a donc planté et taillé en fuseaux plus de 800 cyprès qui bordent les principales allées. Toutes les grandes familles ont édifié un mausolée, toutes les sociétés de secours mutuel qui s’étaient fondées par nationalité vers 1870 – 1890 ont bâti un monument (où sont inhumés quelques personnes, dirigeants ou nécessiteux, on ne sait pas), toutes les institutions qui comptent (marine, armée) ont aussi le leur.
Mausolée de marbre de la famille Menendez-Montes, en forme de temple grec
Une des allées caractéristiques.
La tombe de José Menendez. Lui et sa femme Sara Braun firent tombe à part…
Tout autour du mausolée José Menendez les principales sociétés qu’il contrôlait ont fait apposer des plaques pour immortaliser leur profonde et bien obligatoire affliction lors de son décès, survenu le 24 avril 1918.
Assez loin de son mari, Sara Braun est logée dans un vaste espace de parc où s’élève un mausolée orthodoxe (sa famille était russe).
Tombeau de la société française de secours mutuel.
Les tombes plus modestes sont souvent plus intéressantes et à leur manière plus spectaculaires que celles des notables. Profusion de fleurs, de portraits en médaillon, d’offrandes diverses qui tiennent compagnie au défunt par delà la mort et que l’on conserve dans des petites niches vitrées et même ornées de petits rideaux, telle celle de la famille Alvaradejo Diaz ci-dessous.
L’endroit le plus couru du cimetière est le monument à l’Indien inconnu. On s’interroge sur le degré d’hypocrisie ou de repentance sincère qui a conduit à consacrer une statue et une stèle à la mémoire des indigènes préalablement massacrés. Peu à peu un culte populaire s’est établi et « l’indiecito », le petit indien, se voit attribuer des interventions et des miracles. On le prie comme un saint, on le remercie par des ex-votos, des fleurs, des ornements divers qui lui donnent une allure un peu hippie.
Conclusion démographique à l’issue d’une visite assez approfondie : la majorité des habitants porte des patronymes espagnols (qui peuvent cacher d’autres origines), devant les croates, les britanniques, les italiens, quelques allemands et français.
Comme nous a si bien dit un petit vendeur de fruits ambulant à qui nous avons acheté des cerises, « ici, on a tout les temps : dans la même journée, on peut avoir du soleil, de la pluie et de la neige. Mais on est bien plus tranquille qu’à Santiago, on a peu de délinquants ».
Et comme pour conclure ce discours, tandis que nous quittons Punta Arenas, une grosse averse de neige s’abat sur l’aéroport.
Samedi 28 novembre
Texte: Edmond
Photos: Martine
Retour à Punta Arenas
L’impossibilité d’avoir une place dans l’avion du 28 pour Santiago nous imposa de prévoir une nuit à Punta Arenas. Toujours un peu de surprise en abordant cette ville, la plus au sud du monde (si l’on veut bien admettre que Ushuaia et Port Williams ne sont que des bourgades voire des villages en comparaison des 120 000 habitants de Punta Arenas) : les maisons aux toits multicolores….
…le désordre habituel, mais avec un air de prospérité car la région a bénéficié de l’essor du pétrole et du gaz, et les conditions de travail y étant assez ingrates, les salaires sont élevés pour le Chili.
Donc pas de misère, simplement du bidouillage urbanistique, genre cité d’urgence de l’Abbé Pierre, et un mélange curieux d’Europe Centrale, de tradition gauchesca et d’indolence chilienne, ou plus précisément chilote. Et le tout sous un ciel changeant, un soleil presque brûlant précédant de quelques minutes une pluie cinglante et une nuée grise sortie de nulle part.
En 1843 il n’y avait rien ici, que de la forêt boréale et des indiens. Pour faire valoir ses droits sur la zone le gouvernement chilien décida de lotir de vastes superficies de terre et les attribuer à des colons audacieux. Lesquels durent se débarrasser à la fois de la forêt, qu’ils brûlèrent, et des indiens, qu’ils tuèrent comme du gibier, sauf quelques uns que des Pères Salésiens tentèrent de sauver en les installant sur l’île Dawson. Mais en voulant les civiliser les Bons Pères leur passèrent quelques microbes inconnus qui les tuèrent encore plus vite que le fusil des colons…
Sur les terres libérées les nouveaux propriétaires (ils étaient relativement peu nombreux et chacun de leurs lots faisait au moins 20 000 hectares) installèrent des moutons importés des îles Malouines. Pour organiser la production et l’exportation ils firent venir des régisseurs anglais, irlandais, écossais, néo zélandais. Pour le travail d’exécution les paysans chiliens venus de l’île de Chiloé surpeuplée et au climat plus doux mais aussi venteux et plus humide, donc habitués à des conditions de vie rudes, firent l’affaire et c’est grâce à eux que la Province de Magallanes parle l’espagnol. Enfin les activités portuaires, d’autant plus intense que le trafic maritime passe par là avant l’ouverture du canal de Panama en 1914, seront prises en main par des Croates qui sont la base du peuplement actuel de la ville.
Après 1918, avec la diminution du passage maritime, puis la grande crise, puis la concurrence des fibres synthétiques qui pèsera sur le marché de la laine, la ville s’endort doucement et les grandes fortunes s’en éloignent, jusqu’à l’après-guerre et le boom pétrolier.
Depuis toujours la frontière avec l’Argentine est l’objet de chicanes qui menacent parfois de tourner à la vraie guerre. En 1978 elle aurait éclaté, à propos de quelques îles peut-être pétrolifères, sans la médiation du Pape… Quoiqu’il en soit l’armée et la flotte chilienne se font très présentes et dans les rues du centre les soldats qui s’ennuient et les chiens errants se tiennent longuement compagnie.
Punta Arenas : les Patriciens.
Deux noms s’imposent lorsqu’on veut évoquer les fortunes légendaires de la laine : Nogueira et Braun Menendez.
Le premier bâtit en 1890 une petit Palais dont une partie, classée monument historique, est transformée en hôtel, où nous sommes descendus. Le Roi d’Espagne aussi, en 2004. Il ya des salons agréables….
… et un jardin d’hiver charmant, où l’on dîne (à noter que le menu y est moitié moins cher que dans le prétentieux et scandaleux hôtel Rio Serrano).
Les seconds, à savoir les époux Braun-Ménendez qui possédaient chacun quelques millions (oui : millions) d’hectares dans la Patagonie Argentine et Chilienne ont édifié en 1904 une grande demeure bourgeoise, dans le style Renaissance Française, où se trouve aujourd’hui un musée. La famille ne l’habita en permanence que jusqu’en 1918, puis se partagea ensuite entre Santiago, Buenos Aires et Punta Arenas. Dans les années 60-70, les réformes agraires les ayant définitivement dissuadé de continuer l’exploitation agricole, les Braun-Menendez sont partis vers d’autres cieux en léguant à la ville leur petit château et en y laissant tout en état, des meubles aux petites cuillers. C’est un instantané très intéressant du mode de vie et des gouts de magnats des années 1900-1920.
Château Braun-Menendez : l’entrée.
Le bureau
La salle à manger : la toile, à droite sur le mur, a été peinte par le père de Pablo Picasso, professeur aux Beaux-Arts de Malaga.
Le salon. Les meubles, de style Louis XV, venaient de France. La famille aurait pu s’offrir des pièces authentiques, mais préférait les copies, plus clinquantes… …
La chambre. Les meubles, en noyer français, évoquent assez le Faubourg St Antoine…
Un aspect de la cuisine. Tout le rez-de-chaussée était réservé aux locaux techniques et au logement des domestiques. Il y avait naturellement le chauffage central, et chose rare à l’époque une machine venue de Buenos Aires, qui filtrait l’eau.
La salle de bain des maîtres. Naturellement : eau chaude, eau froide.
Vendredi 27 novembre
Texte: Edmond
Photos: Martine
L’après-midi du vingt six avait été pluvieuse et venteuse. Le soir et une grande partie de la nuit on avait entendu gronder les bourrasques et crépiter la pluie…
Le trajet du vingt sept, en « lancha » (Gros Zodiac) sur les vastes étendues d’eau glacée du Rio Serrano s’annonçait problématique.
Au matin la pluie avait cessé, mais de grands nuages bas masquaient les montagnes et il fallait s’attendre à finir congelés. Heureusement les organisateurs, moins naïfs que nous, avaient prévu les grandes combinaisons adéquates…
C’est donc habillés en cosmonautes que nous avons pris le départ en Zodiac sur le Rio Serrano, pour une première étape de trois heures de navigation jusqu’à la mer, c'est-à-dire jusqu’à l’extrémité de ce long fjord nommé « seno de ultima esperanza » par un navigateur qui cherchait une autre issue au détroit de Magellan et considéra qu’il avait là son « ultime espoir », qui fut déçu… La particularité de ces fjords de l’extrême sud chilien est qu’ils pénètrent et contournent les cordillères qui à cet endroit s’abaissent à intervalles réguliers, et vont toucher la grande pampa Patagonienne Argentine.
Au fond de ces tentacules d’eau que pousse le Pacifique on trouve des ports paradoxalement quelque peu abrités des influences de l’océan, mais balayés par des vents violents et secs descendus des crêtes. Et encore plus près du massif du Paine, où ce matin de fréquentes bourrasques à plus de cent km/h nous prennent par surprise et manquent nous renverser. La routine, quoi.
La première étape du parcours va jusqu’aux chutes du rio Serrano, où il faut évidemment mettre pied à terre, monter sur une petite butte d’où on peut jeter un coup d’œil à la vallée :
… et repartir sur une nouvelle lancha.
Le vent est glacial, les embruns du fleuve et la pluie qui se remet à tomber ardemment piquent le visage. Le pilote fait une démonstration de sa connaissance des lieux en évitant les hauts fonds et les gros troncs noyés par des virages bien calculés.
A droite apparaît pendant quelques instants le glacier Tyndall, qui n’est qu’une des langues terminales du grand glacier Sud du Chili, le plus grand du monde après ceux de l’Antarctique et du Groenland.
Puis peu avant midi on débouche dans le bras de mer, à un lieu nommé Puerto Toro, où par un petit sentier assez court on va admirer le glacier Serrano.
Le glacier Serrano est un glacier des Bossons qui déboucherait dans un petit lac. Mais il est moins long car le Mont Balmaceda qui l’alimente ne culmine qu’à deux mille mètres. Depuis quinze ans il a reculé de deux cent mètres.
Après avoir enfin pu enlever les combinaisons de cosmonaute on prend place dans un bateau à fond plat, de type lac, car la profondeur moyenne du fjord est faible, parfois moins de cinq mètres, rarement plus de dix, et les accostages se font presque en bordure de plage. Mais c’est confortable, on nous sert l’apéritif, en attendant d’arriver, une quarantaine de kms plus bas, soit deux heures et demi de navigation dans les paysages typiques d’un fjord norvégien, avec cascades et tout et tout, à l’estancia Eberhard, où on s’attablera pour déguster un asado, en l’occurrence trois agneaux de lait grillés au feu de bois, précédé d’un Pisco Sour.
L’estancia Eberhard a été créée dans les années quatre vingt du dix neuvième siècle par un allemand du même nom, celui là qui découvrira, au fin fond de ses terres, le fameux Milodon dont nous avons déjà parlé. La propriété, où il éleva du bétail, s’étendait sur plus de vingt mille hectares. La réforme agraire la ramena à cinq mille, que les trois branches descendantes du fondateur se partagent aujourd’hui. Eric Eberhard, qui nous reçoit, a absolument le physique d’un viking, y compris la longue chevelure blonde.
Un aspect des bâtiments de l’estancia Eberhard.
L’asado, très bienvenu, car dégusté à seize heures …
Découpage en expert par un peon coiffé de la traditionnelle « boina » du gaucho.
A l’issue du repas très détendu où un chilien nous conte quelques anecdotes sur les indiens de la région, et aussi qu’il a épousé la descendante d’un officier de marine britannique et d’une française de Pau, et qu’il est un admirateur de Fabrice Santoro et de Gaël Monfils, nous ne reprendrons pas le bateau, le port de Puerto Natales est fermé pour cause de tempête. C’est donc en bus que nous terminerons ce petit voyage hyper oxygéné.
Preuve d’un temps rapidement changeant
Jeudi 26 novembre
Texte: Martine
Photos: Martine
Aujourd’hui, il n’est pas question de refaire une longue marche : des nuages bas et un vent violent nous en dissuadent. Nous devrons donc nous contenter d’une promenade dans la vallée, le long du Rio Serrano et espérons atteindre le Lago del Jote. Le vent est si violent qu’il nous ferait tomber dans ses bourrasques qui, à notre avis, doivent atteindre plus de 100 Km/H. Nous sommes bien dans les 50ème hurlant décrits par les marins qui parcourent le Pacifique (Nous sommes exactement à la latitude 51).
Bourrasques de sable
Vagues sur le Rio Serrano
Autour de nous paissent, totalement en liberté, moutons, chevaux, vaches que les conditions climatiques ne semblent pas affecter le moins du monde. On voit par centaines ces oies patagoniques qui s’envolent à notre approche, n’avançant qu’à grand peine à contre courant du vent.
Soit nous nous sommes trompés de chemin, celui-ci n’étant qu’une petite sente dans les herbages aussi ras qu’un terrain de golf, soit le pont démoli au-dessus d’un ruisseau issu du Serrano l’est depuis peu et les cartes n’ont pas été remises à jour. On ne peut sans doute y passer qu’à gué, à cheval. Cela n’empêche pas Maman et Papa canard d’emmener leurs canetons fraîchement éclos dans le ruisseau.
La seule chose qu’on a pu apprécier c’est qu’on a pris un bon bol d’air.
Mercredi 25 novembre
Texte: Edmond
Photos: Martine
Quartier libre pour nous aujourd’hui. Pas de sortie organisée.
On va essayer de s’échapper de cet hôtel (Rio Serrano) qui, affectant le genre Hilton, encombré d’américains, d’allemands, et de quelques autres européens (français, espagnols, hollandais, pas d’italiens, ils ont dû aller ailleurs), pas très bien organisé, peu attentif à sa clientèle qui visiblement est à exploiter au maximum (finalement, ils n’ont fait que changer de bétail, remplaçant les moutons par les vieux américains), dégage un maximum d’ondes négatives. Quand on insiste pour parler espagnol avec le personnel on finit par obtenir des sourires et le barman, pardon : le « garzon » commence à nous avoir à la bonne, même s’il ne peut s’empêcher, conditionné comme il est, de dire « thank you, Mister » quand on lui file un pourboire.
Donc on s’échappe. Normalement on devrait se faire conduire et reprendre par un véhicule de l’hôtel jusqu’au départ du sentier qui mène à la Laguna Verde (et qui nous fut conseillé par une guide que le castillan rendit très amicale, et qui comprit que nous n’étions pas comme les autres), mais les transferts étant chers et la file d’attente pour en obtenir rebutante, nous avions décidé de partir libres comme l’air, et on fera du stop, ça marchera peut-être. Souhaitons-le car si ça ne marche pas on en a pour 40 kms…
Dans la plaine, encore une oie Patagone, la « caiquen », en principe très placide sauf si elle défend son petit.
Puis une femme s’arrête pour nous prendre ; par coïncidence c’est une française de Puerto Natales qui transporte du matériel pour les chevaux et nous épargne 5 kms de marche.
Plutôt nuageux, le temps semble se maintenir, mais le vent souffle de plus en plus fort, 100 kms assez souvent, avec des rafales à plus de 100 qui nous poussent littéralement dans la montée (dénivelé de 400 m) vers un plateau d’altitude moyenne 450 m.
Se découvre un paysage très doux, un sillon abrité où pousse relativement bien la forêt antarctique, essentiellement composée de ñirres, en gros ce sont des fayards à très petites feuilles. Avec dans le lointain un massif de 1 000 m d’altitude encore un peu enneigé, on se croirait sur le plateau de Retord vers la fin avril – début mai.
A ceci près qu’à gauche on a de fréquentes échappées vers le Paine, à ceci près que la pelouse est encombrée de gros buissons épineux, de bouquets d’une espèce de romarin assez surprenante à cet endroit, à ceci près qu’il y a de loin en loin un « notro », cet arbre à petites fleurs rouges très symbolique du sud chilien…. Et même on aperçoit un lièvre de Patagonie, à queue bicolore, qui se sauve trop vite pour être photographié.
Le soleil ayant l’air de vouloir persister, on met les chapeaux, n’oublions pas qu’on est sous le trou de la couche d’ozone…
Par endroits on traverse les vestiges de la forêt brulée. Le vent est tellement constant et violent dans cette région que la moindre maladresse de touriste peut déclencher l’incendie, très difficile à éteindre. En 2000 il dura trois mois…
Finalement on pique-nique et on fait demi-tour un km avant d’apercevoir la Laguna Verde ; en effet le ciel s’est couvert, la pluie commence. Heureusement elle est très modérée, disons que la force du vent la sèche aussi vite qu’elle tombe, et puis elle se renforce quand même à la longue.
Quand on aperçoit la plaine au fond de laquelle se niche l’hôtel, on sait qu’il reste encore 10 kms à faire à pied sur la route, et on commence à être passablement trempé, mais très philosophe.
Et finalement très vite un pick-up loué par des hollandais rubiconds nous offre sa plate-forme arrière où nous nous ferons définitivement secouer les abattis sur la piste pleine de trous, mais s’épargner une heure et demie de marche (voire plus), ça ne se refuse pas. Martine commençait à être transie de froid à notre arrivée à l’hôtel, où nous remercions chaleureusement nos néerlandais du troisième âge heureux, comme quoi parfois le Batave est brave.
Conclusion : 16 kms de marche sur le sentier, plus 6 sur la route, mal un peu partout, mais calmés.
Mardi 24 novembre
Texte: Edmond
Photos: Martine
Pas de commentaires. Ca se passe de commentaires. C’est le Parc National Torres del Paine (qui ne veut pas dire Tours du Peigne, comme affirmé par erreur hier, mais Tours du Bleu, car « Paine » en langue indienne voulait dire « bleu »). Plus de 150 000 hectares de montagnes et de glaciers. On se contentera de quelques légendes, les images parlant d’elles-mêmes, quoiqu’elles ne soient qu’un faible reflet de la réalité. Et en plus il fait beau !
Réplique du Milodon, une espèce d’ours géant (4 m de haut) qui s’est éteint il y a dix mille ans, et qui vivait dans ces parages.
Chez les ñandus, autruche locale, c’est le mâle qui couve les œufs et nourrit les enfants …
Le massif des Torres vu de la Laguna Amarga.
Hirondelle australe. Elle est absolument indifférente à l’homme, sans méfiance.
Autre aspect du massif, les « cornes » du Paine. Le sommet de gauche (à pointe sombre) culmine à 3 050 m.
Le rio Pehue forme, en sortant du lac, une chute de 14 m, le Salto Grande.
Les Cornes du Paine, et la Vallée du Français (il semble qu’un français ait été à cet endroit propriétaire d’une hacienda ; ce n’est pas Florent Pagny).
Un animal menacé, et rare : le huelme, un cervidé à oreilles de lièvre qui n’existe qu’au Chili ; il figure sur les armes du pays. Très craintif, on en voit rarement.
Le vent dominant d’ouest est très violent en général, et la végétation s’en ressent.
Un énorme iceberg, détaché du front du glacier Grey, flotte sur le lac du même nom avec en toile de fond le massif du Paine.
Lundi 23 novembre
Texte: Edmond
Photos: Martine
Vision du lundi matin, toujours déprimante, sur le Chili profond, ses maisons bricolées, sa pluie de Puerto Varas, son désespoir, araignée du matin, chagrin, et tout et tout….
Et soudain, descendant en avion vers le sud en principe inhospitalier, le rideau de nuages se déchire, le froid de Humboldt assèche tout et la Cordillère Sud se dévoile, avec ses lacs glaciaires…
… ses sommets de 3 000 m et plus, que le printemps austral conserve encore dans toute leur blancheur…
… le Mont Fitz Roy (3 875 m), que vainquit sauf erreur Gaston Rébuffat, qui était provençal, dans les années 60…
Le glacier Viedma, l’un des plus grands du monde, qui se jette dans le lac du même nom, en Argentine…
… et tant d’autres glaciers et lacs enchevêtrés, pendant deux heures de vol, où les passagers échappent à la férule des hôtesses qui voudraient bien leur servir à manger, pour tenter de prendre à l’arraché les photos qui épateront leurs copains…
… et encore des lacs, de la neige et des sommets…
… jusqu’aux Torres del Paine (les tours du peigne), qui se détachent au centre de leur massif et que le pilote aimablement contourne…
… et qui dominent le Parc National du même nom, et ses merveilleux lacs multicolores…
A l’arrivée, Punta Arenas, ville des sables, nous semble la plus aimable et la plus ordonnée des villes chiliennes, malgré un froid assez net (8 °, et c’est le printemps) et quelques bourrasques imprévues. C’est la ville des marins, des magnats du mouton, comme la famille Menendez Braun qui posséda dans la région un million et demi d’hectares, et qui a légué ses demeures à la ville.
Mais l’homme du coin est Magellan (Magallanes), dont le monument orne le centre de la belle Plaza Mayor.
Ensuite départ vers Puerto Natales, plus au nord, en longeant la frontière Argentine, par 246 kms de route : zéro stations services, une localité intermédiaire composée de 20 maisons, une quarantaine d’estancias immenses, des moutons par centaines de milliers dans une plaine ondulante couverte d’une herbe sèche et des restes d’une forêt boréale, quelques vaches, quelque ñandus, la version locale de l’autruche, trois contrôles des carabiniers qui ne contrôlent rien, etc…
… bref la pampa sans limites.
Dimanche 22 novembre
Texte: Edmond
Photos: Martine
Ce serait un dimanche comme tant d’autres, un dimanche qui s’étire, ou qui s’allonge, comme on voudra, dans la chaude indolence familiale. On s’en va vers Puerto Montt, le port sud du Chili continental, pour acheter quelques objets et respirer l’air iodé, ou la senteur d’algues pourries, toujours comme on voudra. Mais d’abord on admire à gauche la haute silhouette un moment libérée de sa gangue de brume, du volcan Osorno (2 652 m).
La marée est basse, les quais sont un peu mollement animés par quelques magasins de souvenirs, et des vendeurs de fruits de mer.
Un côté Bretagne, en plus luxuriant peut-être…
Les fruits de mer (ici des moules, au milieu des fruits et légumes) sont d’une qualité sanitaire problématique. D’autant qu’ils sont systématiquement sortis de leurs coquilles, ce qui en fait une soupe peu appétissante…
La cathédrale de Puerto Montt, et son chien de garde.
Le respect des consignes de sécurité n’est pas vraiment la préoccupation du pays ; on ne boucle pas toujours les ceintures, et on prend volontiers les enfants sur les genoux devant… Et la maman, chirurgienne pédiatrique, n’est pas la première venue.
Le programme de l’après-midi est de faire le tour du lac LLanquihue, soit 156 kms, et de se laisser guider par le hasard des rencontres et des paysages, dans une verdure qui serait irlandaise sans les volcans, la forêt quasiment vierge qui subsiste ça et là, une végétation à base d’eucalyptus et de cyprès géants, et une population très allemande.
Carte du lac LLanquihue, gracieusement offerte par le Rotary Club local.
L’autre volcan : le Calbuco (2 015 m). Aucun des deux volcans du lac n’est actif. Jusqu’à nouvel ordre.
Au pied du volcan Osorno, bloc de lave dans une ancienne coulée.
Toujours au pied de l’Osorno, forêt pluviale, vestige de l’ancienne couverture végétale qui avant l’arrivée des colons régnait tout autour du lac. Les indiens Mapuches y vivaient de cueillette, de chasse et de pêche.
L’élevage du saumon est une des ressources nouvelles de la province. On les élève dans le lac jusqu’à ce qu’ils pèsent 120 g, puis on les transfère dans des élevages en eau de mer.
Chapelle luthérienne.
Un des plus beaux exemples d’architecture coloniale allemande.
Bon, on rentre car on a du mal à tenir les enfants.
Samedi 21 novembre
Texte: Edmond
Photos: Martine
Le Chili est préoccupé de diverses questions actuellement, telles que la main de Thierry Henry, les revendications des indiens Mapuches, qui dans la région de Temuco, à 500 kms au sud de Santiago, veulent récupérer leurs terres ancestrales, et la condition des fonctionnaires, qui réclament des augmentations de salaires. C’est donc par une grève des contrôleurs aériens que commence notre voyage au sud, ce qui nous vaut deux heures de retard : on pouvait craindre pire.
Passant à 9 000 mètres au dessus des Mapuches en colère, on se pose à Puerto Montt, 900 kms au sud de Santiago, et fin du Chili continental. Plus au sud il y a un long ruban compliqué de cordillère côtière dévorée par les fjords et les « canaux » qui se faufilent entre la mer et la montagne. On y reviendra.
Pour le moment il faut visiter la famille et se réhabituer à une fraîcheur et une humidité qui, quoique nous soyons au printemps, semblent plutôt automnales.
A 20 kms au nord de Puerto Montt, Puerto Varas est au bord du lac Llanquihue, qui sépare deux grands volcans de la large plaine côtière.
Un ciel plutôt bas, quelques averses, un temps anglais dans un paysage qui évoque certaines parties de la Nouvelle Zélande… Le pays était Mapuche depuis toujours quand en 1852 le gouvernement chilien fit venir quelques centaines de colons allemands pour le peupler. Dans la douleur des guerres indiennes, ces germains firent souche au point que jusque dans les années quarante il n’y avait qu’eux dans la région. Ils y transportèrent leur langue, leurs habitudes et leur style de constructions en bois.
Puerto Varas, une vieille maison allemande.
Puerto Varas, autre maison caractéristique
Frutillar, musée colonial allemand.
La ville de Frutillar, un peu plus loin sur le lac, est la plus visiblement marquée par la présence, encore majoritaire mais moins nettement qu’autrefois, des colons allemands. Elle respire une propreté et une prospérité absolument inhabituelle au Chili ; elle ne déparerait pas les rives du lac de Constance.
Plage de Frutillar. Toutes les plages du lac sont faites de ce sable volcanique gris-noir et un peu grossier.
Vu des hauteurs qui dominent Frutillar, le volcan Osorno (2 652 m) est en partie masqué par les nuages.
Le lac LLanquihue est le plus grand du Chili. D’une rive à l’autre il y a 50 kms. Avant l’arrivée du chemin de fer et l’amélioration des routes il était le seul moyen de relier, par bateau, avec les risques de naufrages éventuels, les différentes colonies installées sur les rives. La vie a changé : des populations venues du nord se sont infiltrées, les mœurs luthériennes ou non se sont relâchées, mais ici comme dans toute l’Amérique du Sud les chiens errants sont légion, se regroupant parfois en meutes pas vraiment méchantes, mais bruyantes. Le mérite des employés municipaux n’en est que plus grand d’éliminer consciencieusement leurs déjections… En résumé il y a deux réussites chiliennes :
1) Il n’y a pas de crottes de chiens sur les trottoirs
2) Les véhicules s’arrêtent toujours devant les piétons.
Jeudi 19 novembre
Texte: Edmond
Photos: Martine
Le retour vers Santiago se fait par la même route qu’à l’aller, avec des vues surtout orientées vers la mer, qui est à droite. Tandis que l’horizon marin s’estompe lentement dans une très légère brume qui peu à peu signale notre retour vers la latitude de Santiago trois champs d’éoliennes successifs, œuvre de trois opérateurs différents dont GDF-SUEZ, permettent de compléter la production électrique nécessaire à l’exploitation des mines de cuivre proches de Los Vilos.
Le rivage fait alterner des pointes rocheuses et d’amples criques de sable.
Le sable est d’ailleurs très abondant, au point de former en arrière de la plage de grandes dunes hautes de parfois 200 mètres.
L’océan est toujours parcouru d’une houle assez forte qui génère d’impressionnants rouleaux, sans surfeurs associés car on est encore en basse saison. Au demeurant les plages sont balayées par un perpétuel vent frais, l’eau est froide et on ne retrouve rien des impressions qu’on pourrait avoir sur des plages méditerranéennes. C’est plutôt breton, et encore, le sud Bretagne est sûrement plus doux. Mais les paysages sont beaux, encore propres, pas bétonnés (même s’il y a de petites tentatives ici ou là, à base de bungalows ou cabañas jetées à la diable). Pichidangui est une agréable (à la chilienne, c'est-à-dire toujours aimablement désordonnée) station dotée de placides oiseaux de mer…
… d’une conque de sable abritée et qui en paraîtrait presque polynésienne …
… d’une population de gros lézards verts…
Puis la route 5 s’éloigne de la mer, se tourne vers les Andes et laisse voir, avant de rallier le plateau de Santiago, la masse lointaine (plus de 100 kms à vol d’oiseau) de l’Aconcagua, en Argentine, point culminant des Amériques (on va dire 7 000 m, pour simplifier ; les puristes savent qu’il y a quelques mètres de moins.
La route
La route chilienne est meurtrière. Rien d’étonnant. Elle se compose en majorité d’un réseau de pistes peu empruntées, mais délicates dans certaines circonstances (pluie, éboulements soudains, obscurité). La circulation dans l’ensemble se reporte sur un kilométrage insuffisant de routes secondaires goudronnées, mais souvent mal tracées, imprévisiblement rongées par les nids de poules et autres obstacles comme des gués pavés aménagés en prévision de la rare crue d’un « vado ». Ou bien encore sur le grand axe nord-sud, la ruta 5, également dénommée Panaméricaine.
Dans le registre local c’est une autoroute. Mais elle n’est pas réellement séparée du reste du monde et donc envahie par une population en principe interdite, de vendeurs ambulants squattant les bas-côtés pour vendre des fruits ou des fromages de chèvre,
ou des spécialités locales comme les dulces (douceurs, friandises) de La Ligua – on les repère à l’espèce de crinière blanche qu’ils agitent - de piétons traversant n’importe où, voire même avec leur vélo, pourquoi pas,
de charrettes, de tracteurs, de cyclistes roulant éventuellement à contre-sens…
Alors on élève des monuments en souvenir des gens morts dans les nombreux accidents, comme celui-ci, qui concerne 6 membres de la même famille :
Ou on dresse, pour se concilier les dieux, des temples invoquant des « saints » populaires telles la difunta Correia à laquelle est consacrée un véritable monument au bord de la piste qui relie Vicuña à Hurtado :
La défunte Correia est une femme retrouvée morte au bord d’une route d’Argentine avec son bébé lui tétant un sein toujours gonflé de lait. Les camionneurs, en particulier, lui vouent un culte. Ils lui donnent en offrande leurs bouteilles d’eau vides.
Mais aussi toutes sortes d’objets, même un enjoliveur de voiture…
Mercredi 18 novembre
Texte: Edmond
Photos: Martine
C’est encore une fois au son des coqs s’apostrophant dès l’aube qu’on se réveille dans les cabañas du Tesoro de Elqui. Un endroit cependant charmant, dans un jardin bien aménagé, fleuri de roses trémières, de dahlias et de multiples autres espèces dont un figuier géant. Dommage que le confort de la salle de bain soit un peu approximatif, au moins autant que l’espagnol de la tenancière.
On sort de Pisco Elqui pour redescendre à Vicuña, en traversant une mer de vignes, toujours abritées par leurs filets transversaux qui en hâtent la maturation et forcent le degré alcoolique.
A Vicuña, grosse bourgade agricole où naquit l’inévitable Gabriela Mistral, la Place Centrale (Plaza de Armas) se signale par un édifice curieux, la Torre Bauer, sur laquelle on se documentera plus tard, il y a plus urgent. Toutes les villes fondées par les espagnols au XVIéme ou XVIIème siècles l’ont été sur le modèle des bastides médiévales. On quadrille un espace par des rues orthogonales. Chacun des carrés délimités ainsi se nomme « cuadra ». La cuadra centrale est évidée pour former une place sur les bords de laquelle on installe l’église, toujours dans un coin, et le cabildo, ou la maison du gouverneur au centre du côté voisin. Les personnalités éminentes se partageaient les autres lots de la place, qui sont le plus souvent devenus à la longue des banques et des hotels. Au centre, les arbres les plus spectaculaires.
La Place de Vicuña n’échappe pas à la règle.
Vicuña, Torre Bauer.
Vicuña, l’église. En dépit des apparences, de nombreux éléments de la façade sont en bois, et pas en très bon état.
Après Vicuña, le but est d’attraper la ruta Antakari qui est signalée par diverses cartes comme assez bien carrossable et dont le nom seul est une promesse d’étrangeté. Il s’agirait d’une très ancienne route indienne, au moins s’accroche-t-on à cette interprétation romanesque. Elle va vers le sud par une vallée parallèle à celle du haut Elqui pour rejoindre le bassin du Limari et la ville d’Ovalle qui en est la capitale. La première difficulté est d’identifier l’entrée de la route qui n’est signalée que dans un seul sens de circulation, évidemment pas le nôtre. La chose étant faite, la seconde difficulté est de reconnaître dans le chemin de terre qui s’ouvre à nous, très charmant entre les eucalyptus, la route soi-disant semi goudronnée qu’annonçaient certaines cartes.
Entrée de la ruta Antakari.
La troisième difficulté est d’ordre psychologique. Sachant que le panneau à l’entrée nous dit que la ville d’Ovalle, but de la journée, est à 126 kms, faudra-t-il se farcir 126 kms de piste ? Bon, elle parait assez roulable, allons-y.
Misère, dès le km 10 il faut se résoudre à l’évidence : la chaussée est de plus en plus défoncée, il faudrait idéalement un 4X4, surtout dans les montées, et non pas une Suzuki lambda, mais trop tard on est dans le bain, on boira la coupe jusqu’à la lie, ou l’hallali, et on s’enfonce dans la steppe avec une vue au loin sur le télescope Tololo (4 m d’envergure, pas sur la photo, tant pis).
Ruta Antakari, solitude et tranquillité garantie.
Ruta Antakari, traversée d’un arroyo (à sec, sauf quelques jours par an).
Ruta Antakari, pour méditatifs absolument : le vent, le soleil, ici tamisé par un léger voile nuageux, la rareté des contacts humains…
La piste détestable, auquel finalement et contre toute attente résistera la Suzuki, durera jusqu’à Hurtado, soit 60 kms parcourus en trois heures, environ, après quoi ce sera mieux. Mais en fin de compte c’est de ce mauvais moment d’inquiétude qu’on gardera le meilleur souvenir, ainsi que des quatre entités vivantes croisées dans ce laps de temps, à savoir un 4X4 au départ, un camion ensuite, une camionnette et finalement ces deux muletiers, leur âne et leurs deux chiens...
A Hurtado on retrouve une vallée irriguée où on développe la vigne produisant des raisins de table qu’on retrouve à Noël sur les tables d’Europe et des Etats-Unis. La route devient semi civilisée, et nous parait merveilleuse, puis rapidement d’une qualité quelconque.
Dans les bosquets d’épineux qui nous surplombent s’agitent et criaillent des groupes de perroquets. Ils portent le nom indien de « tricahue ».
Vol de tricahue, région de Pichasca.
Région de Pichasca, marmites de géants en formation sur un ruisseau périodique.
Les localités minuscules se multiplient à mesure que la vallée irriguée dans le fond se renforce et s’élargit. A Pichasca un petit parc naturel offre aux regards son abri sous roche où opère pour l’éternité un indien de 2 000 avant JC, un diplodocus de 70 millions d’années avant moi, et des troncs d’arbre pétrifiés encore plus vieux.
Indien préhistorique opérant une mystérieuse affaire…
Dinosaure un peu ringard…
Et son héritier modeste mais bien vivant.
Tronc pétrifié.
Cabane traditionnelle d’indien Diaguita….Au fond le petit enclos (corral) en pierre où on enferme les chèvres le soir.
Au bout de 7 heures de route pour parcourir 160 kms, on finit dans une région très irriguée avec une route vraiment excellente ; on touche à Ovalle, ville de 60 000 habitants, sa place d’armes, son hôtel classique inauguré par le président Videla en 1947, et qui a conservé de cette époque une absence d’ascenseur et une robinetterie vintage, une réceptionniste glamour, et une cliente vamp-fantôme qui hante les couloirs faiblement éclairés, où aucun coq ne nous dérangera, mais sûrement les hululements d’ambulances et d’alarmes inopinément réveillées.
Mardi 17 novembre
Texte: Edmond
Photos: Martine
Une journée autour de Pisco Elqui, après une nuit troublée par le chant des coqs. On retrouve leur chant, oublié dans la plupart des villages de France dans la mesure où les basse-cours domestiques ont peu à peu disparu de nos paysages, et on ne se souvenait pas que c’était si bruyant, dès l’aube, quand ils n’en finissent pas de s’interpeller. Puis flânerie dans les environs, avec le spectacle permanent des chevaux, des fleurs, des grands arbres fleuris comme les jacarandas, des petites églises de bois plus ou moins branlantes.
Alcohuaz. Au fond de la vallée du rio Claro le propriétaire d’un vaste terrain ombragé a développé un complexe mystique à base de bains rituels dans cette piscine ronde…
La piste de terre qui après Pisco Elqui succède à la route goudronnée s’arrête ici. Au-delà seuls les gens du coin peuvent aller, à cheval, et en respectant des règles très strictes. La faune de ces montagnes (le puma en particulier) est très menacée. L’Argentine est à deux journées de cheval, nous a certifié le dernier huaso rencontré. A vol d’oiseau, une cinquantaine de kms.
Serait-ce un pétroglyphe, une de ces gravures mystérieuses comme il se doit dans cette vallée des mystères, œuvre de populations surgies du fond des âges sauvages ?....
Place principale de Montegrande où grandit Gabriela Mistral.
Lundi 16 novembre
Texte: Edmond
Photos: Martine
La ruta 5 norte s’enfonce dans un paysage de plus en plus sec. Au nord de Santiago la pluviosité diminue régulièrement et sauf dans la zone proche des côtes, où la brume littorale (camanchaca) rafraichit notablement l’atmosphère, l’activité agricole se résume rapidement à de l’élevage très extensif de chevaux ou bovins qui errent de ci de là dans l’immensité de la steppe à cactus où s’accrochent aussi des bouquets d’aloès (l’aloé vera est une production de la zone).
Plateau au nord de Los Olivos, entrée d’un corral.
Encore que la distance séparant Santiago de la ville de La Serena, qui, jumelée avec Coquimbo sa voisine, ne soit que de 470 kms, l’impression d’immensité domine : rareté des bourgades, rareté des pompes à essence (si l’on rate l’une d’entre elles on peut avoir à parcourir 105 kms pour atteindre la suivante), faiblesse de la circulation, ampleur des horizons.
Au bord de la ruta 5, un oiseau rouge à long bec s’intéresse à la fleur d’un aloès (aloé vera).
Au bord du Pacifique, Pinchicuy, petit village de pêcheurs.
L’eau courante est peu répandue. On construit sa maison où on peut, et on y installe une citerne qui assure les besoins en lavage…
A La Serena, que l’on atteint après 6 heures de route, on quitte la Ruta 5 pour s’engager à droite dans la vallée de l’Elqui. Bien qu’à cette latitude il n’y ait que 20 ou 30 jours de pluie par an, la muraille de la Cordillère qui 200 kms plus à l’est culmine à plus de 6 000 mètres permet de disposer d’un réservoir de neiges pérenne suffisant pour alimenter de rares bassins fluviaux, dont l’Elqui est le plus notable. Un barrage à mi-vallée en régularise le cours et commande une irrigation superbe, qui fait de cette région le producteur par excellence des papayes et des chirimoyas chiliennes, sans compter les figues, les raisins secs, et partout dominante, la vigne dont on tirera le marc de raisin national : le pisco.
Barrage de Pulcraro, sur le rio Elqui.
En entrant dans la haute vallée de l’Elqui. A noter les rideaux d’arbres, souvent remplacés par de hauts filets. Ils forment un abri contre le vent, perpétuel dans les vallées andines, parfois violent et froid.
Pisco Elqui, étape du soir. Un aspect de la Plaza Mayor.
Insensiblement on atteint l’altitude 1 700 m, et le village de Pisco Elqui, qui donna son nom au célèbre alcool. Toute la région environnante a été infiltrée par des adeptes du courant new age, souvent originaires d’Allemagne ou des Etats-Unis, qui proposent au touriste de passage les massages les plus divers, les méditations les plus ésotériques, les cures les plus étranges, comme la chromothérapie qui soignerait les gens avec des pierres de couleur. L’origine de ces colonisations mystiques est à rechercher dans l’extrême pureté du ciel, l’omniprésence du soleil, la naissance et la vie dans ces lieux de Gabriela Mistral, poétesse et Prix Nobel 1945 de littérature qui déjà en son temps affirmait ressentir l’énergie tellurique de son village, mais qui serait bien surprise de voir jusqu’où cette intuition d’artiste a pu être exploitée par d’autres…
A Pisco Elqui, repos bien mérité dans de charmantes cabañas tenues et majoritairement occupées par des allemands.
Dimanche 15 novembre
Texte: Edmond
Photos: Martine
Impressions de Santiago
L’obsession de la sécurité : vigiles dans tous les magasins importants, grilles devant toutes les maisons, et aux entrées des résidences de luxe ou supposées telles, des conciergeries surabondantes où il faut montrer patte blanche…
Les collégiennes en jupes plissées courtes (deux sortes de tissu, le gris caserne, l’écossais à base de gris), alliance démoniaque du très convenable et du sexy, l’un renforçant la saveur de l’autre.
Les bus sont moins fous qu’avant. La création (assez douloureuse car mal organisée comme il se doit, et soumise à des tirs de barrage des partis de droite) d’un système de transport en commun public a réduit la dangerosité de cette circulation. A noter que les passages pour piétons sont extraordinairement bien respectés.
La pollution, toujours. Les horizons sont brouillés par une légère brume couleur de fumée, et vue des sommets la ville disparaît sous une chape grise.
Les mucamas (bonnes, domestiques) de Vitacura, un peu partout et en uniforme ; dans les jardins et les parcs elles promènent les chiens et les enfants. Au pied de mon immeuble tous les matins je croise une grosse métisse trainant un immense lévrier afghan qui se retourne et me jette des regards que je juge suppliants. Je lui fais comprendre que je ne peux rien pour lui.
La jeune bourgeoise de Vitacura fait la fortune de centres commerciaux cossus où la moitié des boutiques sont des salons de coiffure, de manucure ou des instituts de beauté, et le reste essentiellement des marchands de fringues. Elles s’y fait repeindre là et rhabiller ici, monte dans un gros 4X4 qui sort rarement du quartier, va chercher la fille au collège ou au poney-club, et consacrera le plus gros des heures restant à papillonner chez ses copines en se plaignant qu’on est mal servi. Elle ne fait jamais rien par elle-même et finira sa vie avec une tronche de cocker, en grognant contre l’ingratitude des pauvres, et en ignorant tout du fonctionnement des objets triviaux qu’elle aperçoit dans sa cuisine. Mon hôtesse, bien qu’elle n’ait plus la jouissance de sa fortune d’autrefois et qu’elle soit obligée de compter, ne sait pas se servir de sa machine à laver ; à 79 ans elle n’a jamais touché à cet objet : elle s’en remet à sa bonne.
La signalisation routière oscille entre deux extrêmes : ou bien le néant, ou bien une précision hallucinante digne d’un indicateur des chemins de fer. Par exemple, à un feu, on peut lire : « tournant à gauche interdit du lundi au vendredi entre 17.30 et 19.00, sauf jours fériés ». En revanche, comme dans à peu près tout le continent américain, les noms de rues et leur sens de circulation habituel sont indiqués à chaque carrefour, ce qui est bien pratique pour trouver son chemin, à condition de s’être familiarisé d’abord avec le plan de la ville. Très peu de ronds-points, et ça ne marche pas plus mal. D’ailleurs les taxis, généralement très inventifs dans leurs slaloms, ont des effarouchements de pucelles en les abordant.
Dans les quartiers très pauvres, attachés à un pieu ou à un arbre, il y a des chevaux. Dans les quartiers riches, encagés dans des boxes, il y a des chevaux. C’est une des passions nationales, largement partagée par toutes les catégories sociales. Toutefois, on les utilise dans les premiers pour tirer la charrette du chiffonnier ou du vendeur ambulant, et dans les seconds pour jouer au polo.
Mais bien sûr il y a les huasos, variété locale du gaucho, qui en font un usage à la fois noble et paysan.
Les élections. La publicité électorale est un peu débridée. Une méthode appréciée, pour populariser le nom d’un candidat, est d’agiter aux carrefours un grand drapeau à son nom, avec des tournoiements dignes des fêtes médiévales qu’on organise dans certaines villes européennes. Le porteur du drapeau est payé, c’est un petit boulot d’appoint pour des étudiants.
Samedi 14 novembre
Texte: Martine
Photos: Martine
Changement de cape et vers 11H30, c’est vers l’ouest, direction de Valparaiso que nous partons mais qui n’est pas le but de notre voyage. Nous sommes moins ambitieux et nous connaissons déjà. Le but ce sont les vignes en plein expansion qui longent la route vers Curacavi. Ce sont de grandes exploitation qui n’ont rien à voir avec les petites vignes du côté de chez moi. Et pourtant le paysage me rappelle la Provence vinicole et ses collines. C’est juste un peu plus steppique. La dégustation nous fait découvrir des vins tout à fait compétitifs des nôtres. Leurs noms sont ceux des cépages qui les constituent : Sauvignon, Merlot, Pinot… On croise aussi des vergers des cultures maraîchères et l’élevage de bovins. Région irriguée donc.
Les fleurs que nous avions croisées en montagne parsèment encore les bords des routes de leurs couleurs jaunes orangées.
Vignes de Vera Monte
Las Maravillas
Enfin, nous obliquons vers le sud Ouest en direction de San Antonio. Nous sommes à la recherche d’un restaurant. Il est pratiquement 14H mais ici, au Chili, les repas se prennent assez tardivement, un peu à l’espagnol, et puis… Il n’est pas coutume de s’en faire. Le premier repéré, est fermé pour cause de réception de mariage. M a entendu parler d’un autre « fundi » (c’est ainsi qu’on appelle les grandes exploitations agricoles au Chili) : Puro Caballo. Mais comme d’habitude, aucun panneau, aucune publicité n’indique ce lieu et c’est à force de demander qu’on finit par le trouver. C’est un lieu touristique avec restauration, promenades équestres et, à l’occasion des rodéos dans les arènes prévues à cet effet. Ces rodéos ne sont pas à la Yankee, dressage de chevaux fougueux et vierges de tout débourrage, non ! Ici, il s’agit de dressage pour mener et rassembler les troupeaux. Travail minutieux qui demande toute l’expérience des huevos (gauchos) et des chevaux.
C’est là que j’apprends que les chevaux criollos, laissés en totale liberté dans la cordillère, sont destinés le plus souvent à la boucherie. Rassemblés à l’automne pour bien sûr les engraisser et les vendre.
Enfin nous repassons, avant de rentrer à la maison, dans un petit village nommé Lagunillas. On rencontre souvent ces petits villages aux maisons de bois colorés et aux toits de tôle, parfois entourées de jardins coquets aux treilles de vignes. Le tout formant un ensemble un peu disparate mais qui ne manque pas de charme. Et toujours sur le bord des routes ces petits autels bien décorés.
Lagunillas
Avant de rentrer à Santiago, on longe le Mapocho où les bidonvilles se succèdent, laissant leurs immondices dans le fleuve. Mais là aussi où règne la misère, quelques chevaux sont attachés, broutant l’herbe du bord de l’eau. Un peu plus loin, un homme à cheval rentre son troupeau.
Vendredi 13 novembre
Texte: Edmond
Photos: Martine
A la cordillère (bis)
Autant le cajon del Maipo, déporté au sud-est de la ville, pénétrant à la manière d’une lame courbe dans l’épaisseur des montagnes, est une voie lente d’accès aux sommets et à la frontière de l’Argentine, autant le « centro montañero » de Farellones, station de ski la plus proche de Santiago, est rapidement et presque brutalement accessible. On quitte l’agglomération par une voie rapide vers le nord-est, à quoi succède une route secondaire qu’on emprunte par intuition géographique pure (aucune pancarte ne venant à aucun moment signaler que c’est par là, mais on s’habitue à cette manie chilienne de l’imprécision, et on se résigne à se repérer au soleil, et par rapport au cours du Mapocho, le torrent qui traverse la capitale). On est sûr que c’est la bonne direction quand on se retrouve enfermé et remontant dans la vallée moyenne du rio, au milieu des broussailles et du matorral, ou de cette brousse épineuse qu’on appelle le jaral. Sur ce flanc de Cordillère globalement orienté très sud le palmier rustique monte jusqu’à 1 300 m d’altitude, et le cardon (cactus candélabre) résiste jusqu’à près de 2 000 m.
Route de Farellones, les cardones
La route, quant à elle, se hisse jusqu’à Farellones (2 300 m), soit 1 300 m de dénivelé, en 39 lacets numérotés. Elle est plutôt bien revêtue, cette chaussée malgré tout cabossée par le dégel, où les cyclistes qui se la jouent Alpe d’Huez se faufilent de loin en loin entre les groupes de chevaux errants.
A l’assaut de l’Alpe
A Farellones, on peut soit monter vers la gauche à La Parva (2 500 m) station sans grand intérêt sauf sportif, mais sympathique puisque son artère principale est l’Avenue Alphonse Allais (je n’ai pas l’impression qu’il y ait une seule rue ou place à son nom en France, je me trompe peut-être) et que le Lycée Français de Santiago (Lycée St Exupéry) et l’Alliance Française y ont leur chalet, soit partir vers la droite jusqu’à Valle Nevado.
Encore quelques lacets, des nids de poule et des zigzags, et enfin, à 3 000 m précisément, on émerge entre quelques grands hôtels bâtis en nids d’aigles sur un éperon dominant vertigineusement le rio Molina, et surtout on peut jouir, dans l’éblouissement d’un paysage de neige, d’une vue panoramique sur le massif du Cerro del Plomo (5 404 m).
Massif du Cerro del Plomo vu de Valle Nevado
Edelweiss
Ce qui fut fait, sous le vol d’un couple de grands rapaces mal identifiés. Envergure du condor, mais il manquait le collier blanc caractéristique.
Jeudi 12 novembre
Texte: Martine
Photos: Martine
Jour de repos aujourd’hui, la marche de 4 heures en altitude élevée et les coups de soleil nous ont un peu modéré.
Ce matin, nous partons à la découverte du marché. Autant le supermarché ressemble à s’y méprendre au nôtre, autant le marché du frais est typique du pays : Sous des grands parasols, des commerçants s’alignent avec leurs étalages bien organisés, très riches en couleurs. Les légumes et les fruits sont bien différenciés et la conception du fruit n’est pas la même que la nôtre : la tomate et l’avocat se vendent comme des fruits.
Oh ! Que la ménagère française serait heureuse de faire ses courses dans un tel marché : ici, le client est roi, des garçons affairés et rapides s’activent pour vous, choisissant avec art les victuailles que la cliente a choisies, additionnant et faisant payer, puis ils portent le tout à la voiture.
Le commerçant se contente de vérifier l’addition. C’est un petit métier qui marche bien et uniquement rétribué par les pourboires, il leur faut donc être rapide. M, notre cousine a d’ailleurs un de ces jeunes hommes attitré qui semble ravi de la voir. J’ai ainsi pu goûter, sur place, quelques fruits exotiques tels des « chirimoyas » et des « nisperos »
Les fleurs sont variées et je n’en connais pas la moitié. A noter la balance pendue.
J’ai pu aussi découvrir la future mode : les bottines tong qui habillent des pieds joliment soignés.
Mercredi 11 novembre
Texte: Edmond
Photos: Martine
Santiago, démesure ? Même si l’agglomération regroupe aujourd’hui plus de cinq millions d’habitants, sur les quinze que compte le Chili, il serait exagéré d’associer la notion de démesure à la capitale. Sauf peut-être pour ce qui est de l’espace occupé : à l’exception de l’hypercentre, les immeubles ont rarement plus d’un étage (c’est déjà une élémentaire protection contre les séismes) et les quartiers, qu’ils soient riches ou pauvres se dilatent à l’infini. La traversée de la ville, qu’il faudra bien négocier pour aller vers la cordillère, est l’affaire d’une heure et demie, parfois deux heures, si tout va bien…
A Vitacura, secteur en principe élégant de l’est de la ville, et à sa manière à peu près aussi désorganisé que tout ce que nous découvrirons ensuite, on a pourtant construit il y a trente années et des poussières trois tours de 16 étages, d’où l’on surplombe le double horizon des villas aux airs vaguement scandinave, et de la cordillère majestueuse et énigmatique, encore chargée des restes déclinants des neiges de l’hiver précédent (qui fut anormalement clément, parait-il).
Vitacura, vue vers l’ouest
La cordillère vue de Santiago, Cerro del Plomo (5 404 m)
La cordillère, justement. La cordillère proche est celle des stations de ski autour de Farellones. Plus intéressant sans doute est d’aller en direction du « cajon del Maipo », le bassin du Maipo, un ensemble de vallées articulées autour du rio Maipo, qui nait à la frontière argentine et se jette dans le Pacifique à Puerto San Antonio. C’est au sud-est de Santiago, ce qui, venant de Vitacura implique de traverser l’agglomération en empruntant sur près de dix kilomètres le très large anneau circulaire nommé Avenida Americo Vespucio. Il n’y a pas si longtemps la ville s’arrêtait là, aujourd’hui elle déborde cette ancienne limite et lance au-delà ses flots bigarrés de petites urbanisations pavillonnaires pour la classe moyenne inférieure, d’immenses marchés aux puces et de bidonvilles, le tout ponctué de loin en loin de stades ou d’hypermarchés « Lider ». Le soleil monte, la pollution aussi, les avenues et les carrefours au fonctionnement parfois incompréhensible s’étendent à l’infini, et la cordillère recule, recule…
chaleureuse et brouillonne, une urbanisation du type de celles où vit la majorité des chiliens modestes
On est presque insensiblement sorti de la ville, et la route 692, au-delà de l’autodrome de Las Vizcachas, nous permet de retrouver les « standards » des artères sud-américaines, à un degré moindre qu’en Argentine, mais quand même : ainsi des petits autels dédiés à l’une ou l’autre des nombreuses victimes d’une conduite routière assez anarchique, ou à un de ces « saints » populaires comme le gauchito ou la bienheureuse Correia, que la rumeur crédite de nombreux prodiges… ou encore ces porte poubelles sur trépied métallique qui protègent les sacs de la dent des animaux errants, ou ces chevaux attachés à un pieu qui broutent l’herbe des bas côtés et font faire l’économie du fauchage des talus (encore qu’on ne soit pas bien sûr que l’idée de faucher les talus viendrait aux services locaux de l’Equipement
Petit autel du bord de route.
Et il y a aussi, dès les premiers kilomètres parcourus dans la vallée du Maipo, gros torrent boueux en cette époque de fonte des neiges, la profusion des petites guinguettes et des restaurants d’occasion où s’insèrent parfois de grands établissements ; toutes les fins de semaine la foule de Santiago vient y chercher l’air pur, l’ambiance paysanne ou soi-disant telle de la sierra et la nourriture préparée à la bonne franquette ; on y sert les éternelles empanadas, friands fourrés de tout et n’importe quoi (poulet, viande hachée, fruits de mer, légumes divers), les tortillas variées, les viandes cuites au grill (parillada) et toutes sorte d’autres choses. Il faut monter un peu plus haut, au-delà de San Jose del Maipo, pour échapper à cette exubérante mais un peu fatigante surabondance de la bouffe.
Et rapidement, vers l’altitude 1 200, alors qu’on entre dans la vallée du rio Volcan, affluent du Maipo, cesse la chaussée asphaltée ; autre classique de l’Amérique profonde, la piste met parfois les amortisseurs à rude épreuve ; sur les passages de dure « tôle ondulée » que faut-il choisir : ralentir ou au contraire accélérer ? Les deux écoles ont leurs partisans, mais faute d’avoir un 4X4 il vaut mieux rouler au pas.
Plaisirs et douleurs de la piste ….
Drames de la piste : camion dans le ravin, vallée du Volcan.
En dix huit kilomètres de poussière on monte jusqu’à Baños Morales, altitude 1 900 mètres, dans une vallée de plus en plus sèche, malgré quelques oasis de prairie et de peupliers où de rares éleveurs proposent, à des prix qui nous semblent dérisoires, un fromage de chèvre très doux. D’où vient qu’on ressent une impression de Caucase, de certaines hautes vallées du Pamir, ou du Cachemire ?
Haute vallée du rio Volcan
Et aussi, le vent. Le vent éternel de la cordillère qui vient de l’ouest et prend la vallée en enfilade, s’y renforce et devient, dans les grandes altitudes, ce démon imprévisible qui fit tant de mal aux pionniers de l’aviation, plaquant les appareils au sol (dans le meilleur des cas) ou les disloquant en quelques secondes. Ce vent dessèche encore un peu plus la montagne et contribue à renforcer son aspect minéral, à raviver les couleurs de la roche volcanique, qui vont du blanc pur (très surprenant) aux gammes de rouge et d’ocre en passant par le vert de la serpentine et certains jaunes verdâtres très reptiliens.
Laissant la voiture à l’altitude 1 849, on traverse Baños de Morales, hameau pour randonneurs aux allures de bidonville snob, tant il est vrai qu’au Chili on n’entretient pas ; dès leur construction les édifices sont promis à une lente dégradation qui fait leur patine et leur charme. Ainsi en est-il donc de Baños, avec sa curieuse chapelle en bois et ses très nombreux reposoirs en l’honneur de la Vierge, tous fleuris car ici Novembre est le mois de Marie…
Cabaña (abri de randonneur) à Baños de Morales
Chapelle de Baños de Morales
Montagne dure, qui se livre difficilement, où nous montons sous un soleil heureusement tamisé. La très haute vallée du Volcan se subdivise et n’en finit pas. Vers le sud on pourrait rejoindre l’extrémité qui touche au volcan San José (5 802 m), qui donna son nom au rio. Il y a là des bains en plein air dans une eau à 60° (qui coule dans plusieurs bassins pour se refroidir !). Mais c’est un peu trop loin. On se contentera de la marche d’approche de la vallée nord, jusqu’à la cote 2 500, limite approximative de la neige, non sans s’être un peu égaré en route (la faute aux chevaux en liberté qui font leur crottin en des endroits trompeurs…) et avoir dû remonter une pente assez casse gueule où nous fût infligée une cinglante leçon d’andinisme pour les nuls… S’il y a des chevaux c’est qu’il n’y a pas de puma : déception.
Haute vallée du Volcan
Haute vallée du Volcan : cote 2500
Haute vallée du Volcan, vue vers le volcan San Jose (5 802 m), dans les nuages…